CUBA : coup de cœur pour le Callejon de Hamel à La Havane

Je lance les articles sur Cuba au compte-goutte. J’ai toujours autant de mal à prendre ma plume digitale pour coucher tous ces souvenirs et toutes ces émotions sur la surface blanche de la page internet. Mais aujourd’hui je me sens prête à te parler de mon coup de coeur du troisième séjour sur Cuba la linda : le Callejon de Hamel ! Et là, on sort un peu des sentiers battus !

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Où se situe le Callejon de Hamel ?

Dans un endroit pour lequel tu penseras que ton chauffeur s’est perdu !
Si tu penses le quartier Centro Habana comme étant authentique comparé à celui de la Habana Vieja, c’est que tu n’es pas encore allé à Cayo Hueso ! Ici tu entres vraiment dans un quartier où les gens te dévisagent car peu de touristes font l’effort du déplacement (du moins jusqu’à l’été dernier). D’ailleurs, à ce propos, un bus avec un arrêt à proximité existe puisque des amies l’ont pris mais si tu ne parles pas espagnol couramment, je te conseille plutôt le taxi pour être sûr d’arriver à bon port, connaissant les renseignements cubains !
Malgré un bon niveau d’espagnol, nous avons profité de nos dernières heures à La Havane pour louer les services d’un « je-prends-le-yuma-pour-un-guignol-friqué », à savoir un coco-taxi, pour visiter les points un peu plus excentrés non accessibles à pied sans des heures de marche. Il ne faut pas nous en vouloir, j’ai craqué sur ce mode de transport tout mignon depuis le début ! C’était donc la petite folie avant le retour…
C’est ainsi, que tout surpris et penaud, le chauffeur a consenti à nous emmener dans ce passage qui gagne tant à être connu.

Qu’est-ce que le Callejon de Hamel ?

Littéralement : le passage de Hamel. Hamel était un citoyen franco-allemand ayant vécu dans cette ruelle au XIXème siècle mais plutôt controversé car capitaine de bateaux négriers par le passé. Il établit une petite fonderie et construisit des logements pour ses travailleurs, essentiellement Africains et Chinois. C’est ainsi que le quartier connut un certain essor.
Ce passage est long de 200 m, piéton et … complètement dingue, surréaliste, loufoque !

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L’oeuvre de Salvador Gonzalez Escalona

Tu peux l’appeler Salvador. Ici, tout le monde le connait. C’est un autodidacte. Pour transformer ce passage et poser de l’art sur des murs gris, il est monté lui-même sur les échafaudages et n’a jamais reçu le moindre financement. Tout vient de sa poche et de la récupération de ci de là.
La seule participation municipale a été celle de fermer la ruelle aux véhicules.
Il a commencé son chantier en 1990, en pleine « période spéciale » (rupture avec l’Union Soviétique ayant engendré un effondrement économique à Cuba) quand il s’est rendu compte que le quartier était un peu délaissé, sans vie associative pour fédérer ses habitants. En plus de cette noble cause, il a voulu l’ériger en temple de la culture noire.

Pour ma part, je n’aurais jamais pensé que ce petit papi, un peu voûté, discret, assis sur sa chaise à l’entrée du bar pouvait être l’entier fondateur de toute cette folie urbaine ! C’est qu’il n’est pas vantard ni fanfaron Salvador. A se demander s’il est vraiment cubain, tiens !
Pourtant sa renommée est connue tant nationalement qu’à l’international. Ses toiles et ses sculptures se vendent à prix d’or de nos jours.
La modestie et les personnes humbles telles que lui me touchent profondément et m’imposent le respect.

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Salvador, tranquillement installé, comme si c’était monsieur tout le monde !

Un temple de l’Art

Avec un A majuscule. Rien de moins. C’est la ruelle la plus décalée de La Havane. Si j’ai pu m’extasier à la LX Factory de Lisbonne, ce n’était rien comparé à ce que j’ai découvert cet après-midi d’août ici. C’est bien simple : du sol au plafond tout n’est qu’art, fait de bric et de broc, de récup’ et de couleurs.

Tu trouveras ici des fresques géantes sur les murs, les portes, les volets, les plafonds… Tout ce qui est susceptible d’être peint ! Et en plus de tout ça, s’ajouteront des statues de tout ordre : au sol, au mur, suspendues, des citations philosophiques (ou mystiques)… Tu ne sauras plus où poser ton œil en plein burn-out oculaire et ton cou risquera à tout moment un torticolis !
Et puis il y a les baignoires… Immanquables et… euh… originales ? Ça donne un style ! Un style emblématique du callejon parait-il !

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L’art, ce n’est pas que la partie graphique. La musicalité a elle aussi toute sa place dans cet endroit où des shows dansés et chantés sont régulièrement proposés certains jours de la semaine (le dimanche si mes souvenirs sont bons). Les avis divergent les concernant mais, comme d’habitude, rien ne vaut d’aller vérifier par soi-même pour se faire une idée propre !

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Un lieu fortement imprégné de la religion de la Santeria

La culture de l’Afrique noire est très présente selon l’idéologie de Salvador dans le Callejon de Hamel. Mais ce n’est pas sa seule source inspirationnelle  puisqu’il va puiser également dans sa religion, la Santeria. Cette dernière se reconnait assez vite dès ton entrée dans la ruelle. Tu croiseras normalement plusieurs personnes toutes de blanc vêtues, homme ou femme. Ce n’est pas dû à une mode ni à un aspect pratique. C’est simplement la couleur portée par les adeptes de la santeria, un moyen de reconnaissance physique. S’agissant d’une religion encore très présente à Cuba et dans les Caraïbes, tu rencontreras ces silhouettes blanches sur toute l’île. Rien à voir avec les fantômes !

C’est une religion que j’ai énormément de mal à comprendre et que je trouve bien complexe et floue. Rien d’étrange à cela car elle est « confidentielle » : seuls ses adeptes en connaissent les détails. De même, il n’existe pas de lieu de culte en accès public comme les églises pour les chrétiens, par exemple. Les fidèles pratiquent dans les maisons. Autant te dire que nous avons été sacrément privilégiés quand la femme de Salvador nous a permis de visiter l’intérieur de la maison de famille ! Nous sommes entrés dans un monde parallèle tout à la fois fascinant et flippant qui m’a mise bien mal à l’aise ! Nous sommes passés par quatre pièces et trois d’entre elles étaient dédiées à la Santeria. On nous a expliqué que chaque membre de la famille avait son hôtel de prière particulier car il possède « son saint » à honorer. Sur ces hôtels flirtent de grandes étoles de tissu, des masques, des bijoux de perles, des grigris, des pots, des offrandes, des armes factices (j’espère), des instruments de musique, des crânes d’animaux… Dora l’exploratrice au pays des poupées vaudou en somme ! Brrrr… Quand la visite s’est terminée, j’étais la première dehors, dans l’usine à mojitos alias le bar, bien plus familier et rassurant ! J’ai bien conscience du privilège de ce genre de visite mais je t’assure que l’ambiance fait un peu froid dans le dos et te laisse une sensation de malaise pendant un moment.

Je suis une personne athée. Je ne vais donc pas te raconter la Santeria pendant des heures parce que je ne voue pas une passion à ce sujet mais plutôt t’en exposer les très grandes lignes culturelles et ce qu’on nous en a laissé comprendre. Après tout, un groupe cubain de renommée internationale se nomme bien Orishas et sais-tu ce que sont les orishas ? Non ? Ahaha ! Question piège à destination des touristes ! Je vais te le dire histoire que tu puisses crâner dans les soirées salsa si tes déhanchés d’amputé de la tête fémorale ne suffisent pas !

Les orishas sont des demi-dieux descendus sur Terre pour personnifier les forces de la nature, omniprésentes dans cette religion. Tu comprendras ainsi mieux la raison de la présence de la grosse mouche en fer à l’entrée du Callejon… De la même façon, les couleurs utilisées sur les fresques ne sont pas choisies au hasard car à chaque orisha est associée une couleur. Salvador ne les utilise pas n’importe comment. Ses peintures ne sont pas qu’un projet culturel mais aussi un projet de vie.
La Santeria, cousine du vaudoo (d’où ce fameux malaise ressenti), mêle les croyances catholiques à celles des anciens esclaves venus d’Afrique. D’ailleurs, il n’est pas rare que les fidèles de la Santeria suivent des processions catholiques car les figures des dieux et vierges se ressemblent énormément.

Si la religion ne s’affiche pas ostensiblement dans la partie publique, garde à l’esprit qu’elle est camouflée partout dans les détails.

Un lieu de vie associatif

Salvador s’est lancé dans ce projet alternatif en grande partie lorsqu’il s’est rendu compte de l’abandon du quartier. Il a donc décidé, pour lutter contre la délinquance, de faire participer les jeunes du quartier en leur proposant des ateliers créatifs ou encore des emplois comme celui de barman.
Salvador est aussi un « père artistique » : des personnes viennent lui demander conseil pour réaliser leurs propres projets, comment harmoniser les couleurs par exemple. Pour participer à l’art mural du Callejon de Hamel, il faut obligatoirement passer par lui. On n’affiche pas n’importe quoi !
Enfin, je le répète, c’est lui qui finance de sa poche la très grande majorité du lieu notamment grâce à ses ventes d’œuvres à l’international.
Dans le bar, tu pourras t’étouffer du prix du mojito en comparaison de ce que tu as payé durant tout le reste de ton séjour. On met des feuilles de menthe royale à l’intérieur ? Elles nous permettent de danser comme des dieux ?  Non non. C’est juste qu’une partie des bénéfices du bar aide aussi à financer les ateliers à destination des jeunes en matériel et en intervenants.

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Le Callejon de Hamel en bref ?

La Havane, je te l’expliquerai plus tard, n’est pas un de mes coups de cœur. Ça s’est confirmé à chaque voyage. Mais cet endroit m’a complètement bluffée ! C’est un monde dans un autre monde. Quand on franchit les portes, c’est comme si on quittait le reste de Cuba. Le street-art est loin d’être répandu dans ce pays. Je dois avoir moins d’une dizaine de clichés sur les trois voyages. Je ne compte bien évidemment pas les peintures de propagande dans le lot. A se demander s’ils n’ont pas concentré tout l’art urbain dans cette ruelle !!
Je la recommande à tous ceux qui veulent s’éloigner un peu des tours classiques et très touristiques, aux curieux du culte de la Santeria, aux amoureux de street-art, aux esprits ouverts, aux amateurs de mojitos car ici, ils ont un ingrédient secret !!

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Pour voir davantage de photos du Callejon de Hamel, tu peux aussi consulter l’album Flickr !

26 Responses

  1. J ai fait un voyage à Cuba en 2013 jusqu à Santiago .. J ai plus qu adoré cette ile – L ambiance – les locaux …et je regrette D avoir raté cet endroit unique … Merci pour le partage .. Moi aussi je suis athée mais Quel plaisir de découvrir la beauté des églises – des mosquées – des temples …

    1. Je n’ai découvert cet endroit que par hasard au gré de mes recherches sur Pinterest ! C’est génial d’avoir poussé jusqu’à Santiago car peu de touristes vont jusque là et donc l’ambiance est complètement différente. Mon prochain article sur Cuba sera Baracoa !

  2. C’est sacrément beau ! J’aimerais beaucoup y aller, je le souhaite depuis petite (oui), mais j’ai peur que quand ça sera le moment (pas avant au moins deux ans), que l’endroit ai beaucoup trop changé avec l’ouverture commerciale, l’effet de mode, et que tout ce qui fait la Cuba authentique de maintenant soit remplacé par des canettes de Coca Cola. Bon je grossis le trait bien sûr, mais ça m’effraie un peu tout de même.

    1. Et je ne vais pas aller en te rassurant car ce sont aussi mes craintes. J’ai vu ce qu’ont fait les américains au Mexique il y a plus de 15 ans (et j’ai pu comparer à l’époque avec les photos de mes parents qui y étaient allés 10 ans encore avant) et j’ai très peur pour ces pauvres cubains, de fait. Si tu veux y aller, maintenant est encore le moment mais prévois au moins 3 semaines pour aller jusqu’à Baracoa que tu vas ADORER te connaissant. La grande majorité des touristes ne vont pas jusque là car les vols internes restent dangereux avec Cubanacan. C’est resté comme avant du coup. Et puis, il y a des pépites comme le Callejon de Hamel, en marge du centre, pas vraiment médiatisées…

    1. Complètement ! Et c’est tellement surprenant de trouver ça là-bas alors que l’art urbain est très pauvre voire inexistant !

  3. Je tombe sur ton article et plus largement sur ton blog un peu par hasard via instagram, mais il est génial ! Je suis venu ici un dimanche midi, quand il y avait la pena de la rumba et donc beaucoup de monde, de musique, d’ambiance … C’était super sympa, on a eu nous aussi un guide qui nous a expliqué la partie sur les religions ou la création de l’endroit (et on a testé les fameux mojitos , c’est pas juste des feuilles de basilic ou un truc du genre à la place de la menthe ?) mais entre la musique et mon piètre niveau d’espagnol, j’ai beaucoup plus appris dans ton récit qu’en direct, je dois avouer ! Merci 😉

    1. Bienvenue dans mon petit monde alors !
      Quelle chance tu as eu de tomber à ce moment-là ! Nous n’y étions malheureusement pas les bons jours. On était dans l’avion au moment de cette animation rumba, on n’a donc seulement pu faire fonctionner notre imagination ! Je ne savais même pas qu’il y avait des guides pour cet endroit, c’est bon à savoir ! Où l’avais tu déniché ? Pour le mojito, aucune idée, ils n’ont pas voulu dire ! Alors on a savouré et puis c’était bien quand même…

      1. Ah non, pas un guide officiel ! On est arrivés les mains dans les poches, et un musicien (sans doute un peu épris d’une de mes camarades de voyage au passage 😀 ) nous a fait tout visité avec quelques explications sans qu’on demande rien. C’était très sympa 🙂

        1. Aahaha, pourquoi ça ne m’étonne pas ? Sacrés cubains ! On est entrés dans la maison par le même biais : en parlant avec Salvador ! Finalement c’est même mieux : pas de bakshish, juste le plaisir de faire découvrir.

  4. Oh mais cet immeuble rosé et bleu pastel, quel amour <3
    Jolie découverte, l'artiste si humble et ses jolies baignoires ^^
    Je suis loin d'être une fan d'art et de religion donc ce ne sera pas pour moi même si c'est bien joli.
    Et sinon, la Havane ne t'a pas énormément plus, qu'est-ce qui a ta préférence sur cette île ? 🙂

    1. C’est dommage, c’est un lieu où il fait bon flâner et à certains moments du week-end il y a aussi des spectacles de danse…
      Ce qui a ma préférence sur cette île : Vinales, Maria la Gorda et ses environs, Playa Larga, Cienfuegos, Trinidad et par dessus tout : Baracoa. Ca se mérite mais ça le vaut bien !

  5. En plus d être complètement décalé cet endroit m à permis de rencontrer mon double physique.Mr Salvador est ma copie conforme,quel ne fut pas notre étonnement commun de nous voir dans une glace.sentiment étrange en complément de cette visite extraordinaire.

    1. C’est incroyable cette histoire ! On comprend bien votre surprise ! 🙂
      Il paraît que l’on a tous un sosie quelque part dans le monde. Vous avez la chance d’avoir pu rencontrer le vôtre !

  6. Super chouette ton blog et cette découverte ! On va à Cuba dans quelques semaines pour 15 jours et on aimerait vraiment faire Baracoa, penses tu que cela soit jouable en plus de Vinales et Trinidad? Ou beaucoup de trajet sur 15 jours? Merci d’avance!

    1. Bonjour,
      Merci pour ton gentil commentaire ! 😉
      Pour 15j à Cuba, je déconseille d’aller jusqu’à Baracoa. Il faut presque 24h de trajet et c’est une perte de temps vraiment énorme, vous allez passer votre temps à courir. Pour aller jusqu’à Santiago ou Baracoa il faut au moins 3 semaines si vous faites Vinales et Trinidad aussi. Mais pas de souci, il y a déjà énormément à faire dans l’Ouest de l’île ! 🙂

  7. Bonjour, je suis cubain et guide francophone a la havane, si je peux vous etre utile pour les bons plans n’hesitez pas, je realise de balade en cabriolet classique des annes 50 et tour a pied pour les incontournables de la havane.
    pour plus d’info je reste a votre service. au plaisir de vous croiser a la havane.
    voici mes coordonnees
    whatsapp
    + 53 58 74 72 17
    Onel de Cuba

    1. Bonjour Onel, merci pour votre commentaire ! C’est intéressant à la fois pour mes lecteurs et pour moi, même si je suis plus attirée aujourd’hui par les coins méconnus de La Havane. 😉
      J’espère retourner une 4ème fois à Cuba. La question que je me pose : à quoi ressemble le Cuba post-covid ?

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